Depuis longtemps, l'écrivain néerlandais Cees Nooteboom arpente l'Espagne, cette grande fabrique de fantômes, où il vit en partie. Son premier guide est Francisco de Zurbarán, ami de Velazquez, l'un des grands peintres du Siècle d'or. Où qu'il aille, dans un célèbre musée madrilène ou dans le couvent le plus reculé d'Estrémadure, il cherche ses tableaux, passe des heures devant, s'en approche comme pour s'y perdre, au risque de «passer pour l'idiot du village». Il a décrit cette passion dans le Labyrinthe du pèlerin (Actes Sud). Il résume aujourd'hui, en quelques pages introductives, ce qui la soutient.
Il y a d'abord les moines sévères et extatiques, saisis en pied, que donne à voir cet ouvrage simple et bien édité (le texte de Nooteboom illustré chemin faisant, puis les planches en pleine page, une toutes les deux pages). «De toute évidence, écrivait Nooteboom dansle Labyrinthe du pèlerin,Zurbarán ne peignait nullement des moines. Il peignait des bures, de l'étoffe.» Il en reste «un essai sur les rapports entre la lumière, la couleur et la matière, comme on n'en verra plus avant Cézanne». Un exemple de ce phénomène est Saint Sérapion, martyr aux mains levées et attachées, peint en 1628. Nooteboom remarque que si l'on ôte les mains et la tête, le génie du drapé révèle un monument. Les personnages de Zurbarán, quoiqu'ils vivent, ont accès à une autre vie, détachée de leur corps, de leur misère. Ainsi, les saintes martyrisées, v