Depuis quelques années, les chercheurs européens portent un intérêt nouveau à l'histoire de la police. Vincent Milliot appartient à cette génération qui entend dépasser une historiographie jusqu'alors enfermée dans les cadres nationaux et la téléologie de la construction de l'Etat. Son livre contient à la fois les Mémoires de Lenoir, lieutenant général de police de Paris au début du règne de Louis XVI (1774-1785), et un fort essai sur la fonction policière au siècle des Lumières.
Le texte de Lenoir, écrit après la chute de la monarchie, constitue à la fois une réflexion sur le rôle de la police sous celle-ci, une tentative pour expliquer la Révolution, et surtout une justification de son action à la tête d'une institution souvent accusée, après 1780, de despotisme et de corruption. Le lieutenant général de police est un personnage très important, dont l'accès direct au roi et aux personnages clés du gouvernement inspire respect et jalousie. Professionnel reconnu, il a à sa disposition des moyens humains et financiers considérables, eu égard à la faiblesse de l'administration de l'époque. La monarchie a toujours considéré qu'une police bien rémunérée était le gage d'une certaine efficacité, voire d'une résistance à la corruption. Ce qui fait dire à Lenoir : «Les avantages que le public retirait d'une bonne police étaient au moins la compensation de ses abus.»
A l’instar de beaucoup d’administrateurs fidèles à la monarchie, Lenoir est loin d’être hostile aux Lu