Depuis près de deux siècles, l'opium est associé dans nos imaginaires à la Chine et à sa culture. On songe au Lotus bleu, aux fumeries de Shanghai ou de Canton, aux silhouettes chancelantes de coolies au regard vitreux. Aux yeux de l'Occident, l'opium est à la fois le fléau et le symbole du pays, «l'extase chinoise» par excellence. Xavier Paulès, jeune historien de la Chine contemporaine, réfute catégoriquement cette représentation.
Concessions. Contrairement à ce qu'on imagine, la rencontre entre la Chine et l'opium fut à la fois brève et tardive : inconnu avant le milieu du XVIIIe siècle, l'opium est presque totalement éradiqué par le pouvoir communiste dans le cours des années 50. Son destin chinois ne dure donc que deux siècles, «un phénomène presque anecdotique à l'aune d'une civilisation plurimillénaire». Le pavot est par ailleurs une plante exogène. Pour les Chinois, c'est «la drogue venue de l'étranger», importée d'Inde par les marchands britanniques. D'emblée, elle fut donc pensée comme un instrument de l'impérialisme.
C'est en effet grâce aux deux guerres de l'opium, qui s'étendent de 1839 à 1860, que les Occidentaux obtiennent «l'ouverture forcée» du marché chinois et la mise en place du système des concessions. Les Japonais font de même au début du XXe siècle. C'est pourquoi tous les pouvoirs chinois, des derniers empereurs Qing au Parti communiste, ont lutté contre l'opium