Professeur à New York University, Craig Calhoun est l’un des grands noms de la sociologie mondiale. Président depuis 1999 de l’équivalent américain du CNRS pour les sciences sociales, il s’apprête à diriger en septembre la London School of Economics.
Dix ans après sa mort, quelle place occupe Pierre Bourdieu dans les sciences sociales mondiales ?
Il demeure l’un des chercheurs en sciences sociales les plus influents au monde. Son influence s’est même étendue à la littérature, à la philosophie, à l’histoire et à d’autres domaines. Il fait désormais partie d’un panthéon théorique qui comprend Lévi-Strauss, Sartre et Merleau-Ponty ainsi que des figures de sa propre génération comme Foucault et Habermas. Ce qui veut dire qu’il est déjà devenu un «classique» - ce qui le chagrinerait sans doute beaucoup. Il aurait peur de faire partie des autorités, de ces maîtres que les élèves doivent bêtement célébrer, il préférerait rester une sorte d’enfant terrible. Si Bourdieu est aussi précieux, c’est qu’il traverse de très nombreux clivages qui opposent les chercheurs entre eux. C’est particulièrement vrai lorsqu’il invite à transcender des dualités comme subjectif et objectif, ou action et structure. Ou qu’il réunit l’intéressé et l’apparemment désintéressé, le socioculturel et l’économique, et donc l’empirique et le théorique. Il s’adresse ainsi directement aux jeunes chercheurs qui souhaitent oublier les guerres académiques des générations précédentes et davantage s’attacher à lutter intellectuellement contre les inégalités qui traversent le monde aujourd’hui
En France, l’image publique de Bourdieu demeure marquée par ses engagements des dernières années, et parfois déconnectée de son œuvre…
Bourdieu fut un intellec