Dans son agencement subtil, dans la lenteur opiniâtre de son récit, dans son écriture à la fois sensible et incisive comme un scalpel, l’ouvrage de Christophe Boltanski a épousé son sujet au point d’embarquer son lecteur dans un dédale de galeries souterraines, des veines obscures, fiévreuses et mystérieuses. Un voyage dans les entrailles de la terre et les coulisses sanglantes des trafics : la dureté des mines du Nord-Kivu au Congo, le cynisme des trafiquants au Rwanda, les secrets des docks de Tanzanie, jusqu’aux poubelles à ciel ouvert du Ghana, les usines de Malaisie ou les salles d’un musée colonial à Bruxelles.
On passe d'une strate à une autre, chaque éclat dans la roche, chaque rai de lumière est un indice de plus sur le chemin d'une vérité cachée, engloutie, et toujours protégée par des intérêts lourdement armés. «Un monde dans un grain de sable», comme l'écrit William Blake dans un poème mis en exergue. Grand reporter au Nouvel Observateur - il fut aussi longtemps journaliste à Libération -, Boltanski a suivi la trace d'un minerai qui vaut de l'or dans nos temps modernes : la cassitérite, principal minerai de l'étain, compagnon aussi indispensable que méconnu de nos vies connectées.
Il se glisse partout, dans nos téléphones portables, nos ordinateurs, nos télévisions, nos télécommandes, nos imprimantes, nos voitures… Pas une carte électronique, pas une soudure qui ne porte sa marque. Un monde shooté à la cassitérite, un minerai dont la moit