De la dépression, on a toujours appréhension, parce que de façon chronique ou cyclique elle abat, tandis que pour la mélancolie demeure une certaine fascination. Longtemps, l'une a été l'autre pourtant, ou en a porté le nom. Mais la première a été progressivement happée par le discours médical, psychologique ou psychiatrique, quand la seconde s'en échappait, même momentanément, à certaines époques, pour s'entourer d'une mystérieuse aura, où s'embrouillent sentiments et élévations divines, souffrances, vagues à l'âme et extases, génies et démons, illuminations créatrices et désolations. Au point que, si le mot, issu des tréfonds de la culture grecque, a persisté, son concept s'est embrumé. Mais peut-être n'est-ce pas un hasard : si la mélancolie a rendu cotonneuses et floues les lignes de sa définition, c'est qu'elle a, tel le caméléon sur sa branche, mimé celles, tout aussi peu géométriques, de l'existence humaine, partagée entre lucidité et obscurité, élan vital et abattement, désir de l'infini et conscience de la finitude, et, ainsi, en est devenue comme la métaphore. Si bien qu'à vouloir l'identifier dans les textes des philosophes, les traités de divination, les poèmes romantiques ou les ouvrages de médecine, on ne sort pas de «chez soi», de la demeure de l'âme, comme si la mélancolie demandait à chacun de juger de sa position d'être humain «à la manière de Dieu», en traçant «une frontière stricte entre la négativité et la positivité», ou de façon «huma
Critique
Bile en tête
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Le cahier Livres de Libédossier
par Robert Maggiori
publié le 12 janvier 2012 à 0h00
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