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Libération
Critique

A cœur joie

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Sollers et son double poursuivent leur exploration du monde en amateurs éclairés
publié le 19 janvier 2012 à 0h00

L’éclaircie selon Sollers, c’est comme l’érotisme selon Bataille : l’approbation de la vie jusque dans la mort. C’est aussi une flèche d’immaturité, un voile de gestes et d’attitudes posé sur la surface de la vie. C’est enfin une prière, celle que l’écrivain, à 75 ans, adresse à l’idée de sa propre vie : «Heureux ceux qui n’ont pas eu d’initiatives à prendre, et se sont laissés aller, adolescents, à des figures féminines sensualisées ! Heureux les peintres et les écrivains qui ont séché la morose école et la barbante université, pour enrichir leurs connaissances dans le boudoir des pensées ! Heureux ceux qui, plus tard, retrouvent l’éclaircie de leurs sœurs dans la dévastation générale !» L’Eclaircie déploie cette injonction.

Flambeaux.Comme toujours, le double romanesque de Sollers galope dans un souterrain sombre, vulgaire et moralisant, le monde contemporain, éclairé par quelques cariatides portant des flambeaux. Les cariatides sont des silhouettes féminines : une sœur, Anne, qu'il a aimée en frère amoureux, et qui meurt d'un cancer à l'orée du livre : Sollers parle de la tentation incestueuse avec une délicatesse qui rappelle Confidence africaine, récit de Martin du Gard qui a magnifié le sujet ; une amante, Lucie, qu'il retrouve dans un studio pour trois quarts d'heure d'amour et une heure quinze de conversation. Les flambeaux sont un écrivain, Casanova, et des peintres, Manet et Picasso. Sollers n'a cessé de les célébrer à