Menu
Libération

Lecture diagonale

Article réservé aux abonnés
publié le 19 janvier 2012 à 0h00

Au début du mois, un quotidien anglais a demandé à ses lecteurs : «Avez-vous honte de sauter des pages dans un roman ?» La réalité du crime n'était même pas discutée, seul le sentiment de culpabilité restait à disséquer. Les quelques lignes de présentation du débat (par Robert McCrum, sur le site du Guardian) se terminaient sur cet appel à la délation : «Quels sont les livres qui, selon vous, gagnent à être un peu survolés ?» McCrum proposait sa propre liste, qui incluait Freedom de Jonathan Franzen. Il espérait sans doute, en retour, voir les lecteurs balancer les titres des romans un peu longuets qui encombrent nos bibliothèques. Oui, quelqu'un allait probablement énoncer quelque chose comme : J'ai beaucoup aimé Ulysse de Joyce, surtout la première phrase - «Stately, plump Buck Mulligan came from the stairhead…» - et la dernière - «and his heart was going like mad and yes I said yes I will Yes.» -, car entre les deux, j'ai tout sauté tellement c'était pénible.

Eh bien McCrum a dû être infiniment déçu, car la plupart des contributeurs ont répondu qu’ils ne voyaient pas l’intérêt de sauter des pages : si un livre était emmerdant, ils le fermaient, voilà tout. Ici réside la grande différence entre le lecteur professionnel et le lecteur amateur : l’un s’acharne car il a un papier à éc