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Libération
Critique

Sans père et sans reproches

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Manon Pignot restitue la guerre de 14-18 à travers les témoignages des enfants
publié le 19 janvier 2012 à 0h00

De nombreux livres ont été consacrés à la mobilisation de l'enfance en guerre et à l'intense propagande dont elle est généralement la cible. Mais la façon dont les enfants reçoivent ces messages, leurs attitudes et leurs sentiments réels face à la violence de guerre sont demeurés des points largement aveugles. Spécialiste du premier conflit mondial, Manon Pignot a voulu affronter ces questions difficiles. Elle a patiemment traqué l'expérience enfantine de 14-18, en s'efforçant de se placer toujours «de leur point de vue», dans le regard même de l'enfance.

Le très riche matériau réuni - journaux intimes, correspondances, autobiographies, entretiens, ainsi que les 1 140 cahiers d'écoliers conservés à la bibliothèque du Vieux Montmartre - lui permet d'abord de mettre au jour toute une série de réactions communes. La Grande Guerre des enfants, c'est d'abord un univers sonore inédit : le tocsin qui interrompt les vacances de l'été 1914, les canons ou le bombardement, qui «tape fort», et surtout la «berloque», cette sirène de pompiers qui annonce les gothas ou les zeppelins. Tous les enfants parlent du froid, car le charbon manque partout et on gèle en hiver. La faim, en revanche, n'affecte que les populations urbaines. Mais le principal bouleversement réside dans le départ des hommes et dans la désorganisation familiale qui s'ensuit. Pourtant, note Manon Pignot, cette immense séparation suscita l'invention de figures nouvelles de la paternité, plus tendr