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Libération
Critique

Fille et petite-fille de la Shoah

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La documentariste Virginie Linhart poursuit son travail de mémoire familiale.
publié le 21 janvier 2012 à 0h00

De livres en films et de films en livres, Virginie Linhart continue d'explorer sa lourde et riche hérédité. Elle le fait à sa manière, en caméra subjective. Son dernier ouvrage s'ouvre par ces lignes incongrues : «Je suis une très bonne skieuse. Tout le monde s'étonne quand je l'affirme.» Incongrues parce que le livre est tout entier consacré à la vie après les camps. La vie des juifs qui ont échappé à l'extermination. Que vient faire cette neige inaugurale dans l'abîme sans fond ?

Commençons par l'hérédité. Virginie Linhart est la fille de Robert Linhart, ce normalien fondateur, en 1968, de la Gauche prolétarienne, instigateur de l'«établissement» des intellectuels en usines, figure brillante et tourmentée, aujourd'hui mutique. Dans son précédent essai, le Jour où mon père s'est tu, l'auteure s'interrogeait sur son rapport à son singulier paternel en interviewant les rejetons d'autres leaders de 1968. On trouvait dans le livre cette phrase acrobatique : «1968 fut une façon pour les enfants de juifs rescapés de la Shoah [nombreux aux avant-postes des luttes étudiants, ndlr] de sortir du statut de survivant pour affirmer leur appartenance au monde des vivants.»

C’est de cette phrase qu’est né le nouvel ouvrage de Virginie Linhart, qui s’intéresse cette fois à son rapport avec ses grands-parents paternels. Nés Jacob Linhart et Masza Finkelstein, ils on