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Libération
Critique

Les bonds et les méchants

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Animaux parlants et filles balèzes au trapèze : une fugue en double salto
publié le 26 janvier 2012 à 0h00

C’est la structure du rêve. On se fait un film (rêves du matin) et on le maîtrise si bien qu’on finit par se rendre compte qu’on est le réalisateur de ce qui se passe sous nos yeux. Puis, du coup, on trouve une astuce de narration qui permet de retomber sur ses pattes et on est hypercontent. En principe, c’est le moment où l’on se réveille.

Un peu la même chose avec le scénario de Lisa Mandel, qui aime les filles, les doubles et l'invagination des récits. Dans Vertige (le nom d'une des deux héroïnes), c'est une conférence entre animaux de la forêt qui aboutit à la péripétie rêvée : «J'ai une idée ! - Le serpent a une idée. - Fourmis rouges ! Allez ronger les liens de la jeune fille ! - Il fallait y penser !» Pendant la discussion on voit chaque animal parler, chacun avec sa bulle, mais le «il fallait y penser» est attribué quant à lui à toute la forêt, dans un plan d'ensemble comme un zoom arrière où l'on ne voit que les arbres, les montagnes au loin, et qui clôt la planche en marquant l'unité de la faune et de la flore.

L'album commence comme un vieux tableau de David Hockney, au bord d'une piscine avec cocaïne, les mêmes serpentins figurant la lumière dans l'eau. Une jeune fille blonde est près de tomber. Ça se continue comme Lola Montès d'Ophüls, par un cirque et une femme brune esclave de son numéro, elle s'appelle Adelia et ça se passe à Rio. Puis elle s'échappe. Le lecteur éveillé n'aura pas manqué de remarquer que la fuite de l'une correspond