Menu
Libération
Critique

Lettres du reporter à sa mère

Article réservé aux abonnés
L’intégralité de la correspondance du photographe Gilles Caron, mort en 1970, à 30 ans.
publié le 28 janvier 2012 à 0h00

Ce livre est d'abord une poignante histoire d'amour entre une mère et son fils, entre celle qu'il appelait «Mame» et celui qu'elle surnommait Gilou ou «darling wee» (en écossais, wee signifie «tout petit»). Gilou, ou Gilles Caron, ce photo reporter français, qui fonda l'agence Gamma en 1967 avec Raymond Depardon avant de disparaître, à tout juste 30 ans, un jour d'avril 1970 sur la route numéro 1 - contrôlée par les Khmers rouges - reliant Phnom Penh à Saïgon. Depuis, il reste ce jeune homme terriblement beau qui fixe à jamais l'objectif d'un regard grave et un peu inquiet.

Inquiet, exigeant, curieux, il l'a été bien avant de partir sur le terrain, comme en témoigne cette correspondance nourrie qu'il entretint treize ans durant avec sa mère et que publie aujourd'hui sa femme, Marianne. Entamée alors qu'il n'a que 10 ans et qu'il souffre d'être éloigné de Mame dans un pensionnat de Haute-Savoie, cette correspondance se poursuit lorsque, jeune étudiant en journalisme, il prend la route de l'Iran, de la Turquie ou de l'Afghanistan avant de passer son diplôme de parachutisme civil, d'être mobilisé chez les paras puis insoumis, durant la guerre d'Algérie. Insoumis, quelle difficulté alors ! Il faut affronter «le mépris des autres» qui croient qu'il «refuse par peur». «Je ne suis pas un lâche mais je n'ai personne à qui parler», écrit-il à sa mère en confessant qu'il a surtout «peur d'être sans colère, soumis et ind