Les douze nouvelles qui constituent le Lanceur de couteaux sont autant de guerres des mondes en miniature, avec toute l'invention et la précision que des artisans accordent toujours à des miniatures. C'est le monde souterrain contre le plein air, le fictif contre le réel, le secret contre le transparent - le monde de chacun contre le monde établi par les autres. Il n'y a jamais deux modes de narration semblables dans deux nouvelles consécutives, on passe du «je» au «nous», du narrateur individuel au narrateur collectif. Il n'est question que de choses extraordinaires, d'un lanceur de couteaux hors du commun, d'une société secrète d'adolescents avec ce que ça sous-entend de pratiques sexuelles mystérieuses, d'un tapis volant, d'un parc d'attractions qui renouvelle le principe même du parc d'attractions, d'un immense magasin où tous les éléments de la vie seraient disponibles, mais en mieux. On peut y acheter des ruisseaux ou le Colisée pour son jardin, et même «l'Acropole tout entier, plus robuste que l'original et garanti contre les méfaits de la pollution».
Tout au long des textes, aussi bien le merveilleux que le réalisme acquièrent des sens nouveaux, ce dernier ne pouvant être assimilé, selon un narrateur, «à la variété malingre et étriquée qui domine et abrutit notre littérature». Quant au domaine de «l'inconnu», tel qu'il apparaît chez les jeunes filles qui sortent la nuit en cachette, il est sans doute beaucoup moins secret qu'on ne l