La violence est un rêve qu’il est préférable de chanter. Au nord du Mexique, sous l’effet du narcotrafic, de la guerre des gangs et de la corruption des institutions, elle a pris des proportions assez notables pour que tous les chemins paraissent y conduire et s’y perdre. Certains Etats frontaliers des Etats-Unis, comme le Tamaulipas et le Chihuahua, sont devenus dans l’imaginaire du spectateur international la plus morbide région du monde. Face à cet excès de réalité par décomposition, la vieille question de Dante se pose : comment écrire l’enfer - ce lieu où, si beaucoup meurent, la plupart continuent de vivre ? Comment nouer la vérité politique à l’expérience intérieure ?
Sergio González Rodríguez, avec Des os dans le désert, avait choisi la recomposition par fragments d'une réalité démembrée. Dans 2666, Roberto Bolaño, qui n'était pas mexicain, opta pour le désenchantement épique. Elmer Mendoza a plaqué son oreille et sa rigueur sur un canevas policier. Yuri Herrera, un Mexicain de 40 ans qui a éprouvé la tragédie ambiante, choisit pour son bref premier roman, paru au Mexique en 2003, une forme à l'austérité magique : le conte.
Univers. L'histoire est celle d'un palais plein de bruit et de fureur, vécue par un bouffon. Il s'appelle Lobo, le Loup, mais, en entrant au service du Roi, il devient l'Artiste. Les personnages des Travaux du Royaume ont des noms génériques et majuscules : le Roi, l'Héritier, le Joaillier, le Journaliste,