Karoo est l'histoire d'une déchéance racontée par elle-même - et c'est très drôle. Stojan Tesic est né en 1942 dans ce qui est aujourd'hui la Serbie et s'est appelé Steve Tesich après que sa famille a émigré aux Etats-Unis, en 1957. Dramaturge et essayiste, il fut aussi romancier, publiant Summer Crossing en 1982 tandis que Karoo ne parut qu'en 1998, deux ans après sa mort. Mais Steve Tesich fut surtout un scénariste réputé. Saul Karoo, le narrateur de son roman pendant 450 pages avant que la troisième personne ne prenne la relève pour les 150 dernières, est un riche consultant d'Hollywood pour les scénarios, les réécrivant afin qu'ils plaisent plus à la production. Il ne se fait d'illusions ni sur son talent ni sur celui des autres. «Cela dit, la plupart du temps je travaille sur des scénarios qui sont si mauvais que j'aurais pu les avoir écrits moi-même.» Quand le roman débute, au lendemain de la chute des Ceausescu dont c'est un jeu amusant de déterminer comment leur nom se prononce, il est en proie à une étrange maladie : il ne parvient plus à être ivre, et l'énormité de sa consommation d'alcool n'y change rien. Dans ces conditions, il n'arrive plus à être lui-même, «ce bon vieux moi-même». La «fuite devant l'intimité» est une autre de ses maladies, il ne peut mener sa vie privée qu'en public, quand il est assuré qu'elle n'est pas privée. Il ne cesse de lutter contre «le danger que quelque chose de réel se produis
Drame à Hollywood, Karoo coule
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par Mathieu Lindon
publié le 23 février 2012 à 0h00
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