Dans le Cabinet des Antiques, Balzac écrit qu'«il n'y a rien au monde comme les Sauvages, les paysans et les gens de province pour étudier à fond leurs affaires dans tous les sens ; aussi, quand ils arrivent de la Pensée au Fait, trouvez-vous les choses complètes». La romancière anglaise A.S. Byatt, l'auteur de Possession et de la Tour de Babel, appartient à cette sévère catégorie. Son nouveau roman, le Livre des enfants, étudie à fond les affaires d'un groupe familial et amical dans l'Angleterre dite édouardienne, de 1895 à 1919. Comme la Régence et les années 70, c'est une époque, dit-elle, «où il y avait une sensation de libération, où les adultes voulaient redevenir des enfants, où les femmes pensaient qu'elles pouvaient être autre chose que des femmes de ménage, sans savoir quoi». La guerre sonna le glas.
Au début, les héros sont des enfants errant dans les sous-sols d'un musée, l'ancêtre du Victoria and Albert Museum, puis participant à une fantastique fête familiale où l'on joue le Songe d'une nuit d'été et un spectacle de marionnettes inspiré par l'Homme de sable de Hoffmann. On découvre le monde par leurs filtres. A la fin, le monde en détruit quelques-uns, en quelques dizaines de pages. L'un se tue, d'autres meurent ou sont blessés dans les tranchées. Un roman, c'est des sensations, des découvertes, de la durée, du chagrin. Voilà comment finit, du côté d'Ypres, un gamin qu'on a vu grandir pendant 600 pag