Il faut avoir tenté d'approcher des mathématiciens de haut niveau et les avoir fait parler de leur métier pour mesurer la performance d'Isabelle Boccon-Gibod. Huit d'entre eux, dont on ignorera pratiquement tout, décrivent un monde dans lequel les choses sont vraies ou fausses. Il n'y a pas à sortir de là. L'option «on ne sait pas»existe bien sûr, mais il s'agit d'une question de temps et de talents. Et ce «on ne sait pas» ne fait que précéder l'instant magique où le chercheur comprend.
«Le moment de la découverte, lui, est extrêmement fugace. Il laisse le souvenir heureux d'une sorte d'épiphanie, mais on l'éprouve rarement dans sa vie.[…] L'impression d'avoir découvert arrive avec le sentiment que je vais pouvoir y arriver. […] Après, il peut me falloir plusieurs années de travail», explique François Loeser, de l'Institut de mathématiques de Jussieu. «Tout d'un coup, c'est simple, les choses se mettent en place. […] Je laisse passer une nuit ou quelques heures avant de recommencer à regarder si tout est bien en place ou si c'était une illusion», complète Maria J. Esteban, directrice de recherche au CNRS.
Les uns écrivent beaucoup, les autres parlent fort ou laissent reposer une idée comme on fait pour une pâte, mais tous guettent cet instant décisif décrit par Luc Tartar, professeur à l'université de Carnegie Mellon aux Etats-Unis : «La sensation la plus riche est celle de la découverte qui vient mystérieusement et vous fait vous écrier