«Il y avait dans le pays d'Ouç un homme du nom de Job ; cet homme était intègre et droit, craignant Dieu et évitant le mal.» Ainsi, on le sait, commence le livre biblique de Job. Ainsi commence aussi le roman de Roth, aujourd'hui intitulé plus justement Job, roman d'un homme simple (1). Nous sommes quelque part en Russie, dans le yiddishland, avant la guerre de 14. Mendel Singer, Job du début du XXe siècle, est en effet un homme simple et pieux. Il n'y a pas grand-chose d'autre à en dire. Il craint Dieu, il est maître d'école, voilà tout.
Cran. C'est l'histoire de son destin qui nous est contée dans un roman tissé comme un conte cruel, d'une rigueur impitoyable et quasi mathématique, un théorème implacable. Chaque page enfonce davantage le clou de la pitié et de la terreur dans l'esprit du lecteur, qui se demande quel malheur peut encore arriver à ce pauvre hère et si c'est possible de descendre encore un cran plus bas dans l'échelle de l'accablement. La réponse est oui, inexorable.
Nous sommes bien dans un conte : dans le temps immémorial du «Il était une fois», «En ces temps-là». Gestes répétés du cycle inchangé du temps juif. Shabbat, fêtes, prières, naissances, transmission. Le tout sur fond de misère noire et d’acquiescement réitéré au monde que Dieu fit tel une fois pour toutes. Tout événement, toute interruption du temps sont nécessairement un malheur. Devant un enfant malade, on se montre résigné, on se remet entre les main