Bukowski, on s'en fout. Ça tombe bien, lui aussi. C'est déjà au moins un point commun : «Je suis un écrivain connu en / Allemagne et en France. / comme d'autres écrivains américains, / d'abord reconnus en Europe.» On est en 1979, dix ans après qu'il a arrêté d'être postier. Shakespeare n'a jamais fait ça (qu'est-ce qu'on en sait, d'abord ?) est un texte inédit en français, une semi-commande liée à un voyage en Europe, une tournée de promotion et une visite chez son oncle allemand d'Andernach. L'écrivain alcoolique et misogyne doit en ramener un livre avec des photos de Michael Montfort. Le résultat est là. Les photos le montrent toujours la bouche ouverte, les yeux mi-fermés, simien, la tête comme un os de dinosaure, prêt à engloutir ses dix litres de vin quotidien. Ou alors c'est qu'il braille, on dirait un film de vacances muet.
Dans Bukowski, grosse vache imbibée, il y a «bu» et «cow», plus un remugle de bucolique, car comme tout bovin sacré, Charles va bien avec une petite marguerite au coin des lèvres. En l’occurrence Linda Lee, sa compagne de l’époque, 35 ans (il en a 58), hippie placide qui l’empêche de trop picoler dans ses déplacements.
L’abjection comme moteur
On ne sait plus trop ce que représente aujourd’hui Bukowski, sinon un certain sens de l’autodérision, bien plus contondant que l’agressivité de surface qu’il déploie à l’encontre de la Terre entière. Si on était aussi mal luné que lui, on dirait que c’est la version hétérocheap de la contre-culture des années 70, moi