Recrutés dès 1857 dans l'Empire, les tirailleurs sénégalais, durant la Seconde Guerre mondiale, vinrent épauler «la plus grande France». 200 000 hommes furent mobilisés - 40 000 étant dépêchés en métropole. Si cette contribution a durablement marqué les mémoires française et sénégalaise, elle n'avait guère retenu l'attention des historiens, lacune heureusement comblée par Julien Fargettas.
Au rebours d’une idée reçue, le déclenchement de la guerre fut loin de susciter l’euphorie dans l’Empire. La résignation l’emporta, d’autant que les populations craignaient des représailles si elles se dérobaient à l’impôt du sang. Engagées en 1940, puis à nouveau sollicitées à partir de 1943, les troupes de l’Empire, pourtant, se battirent fougueusement, bien que les stratèges aient parfois douté de leur valeur. L’encadrement suivait une ligne équivoque. Les Noirs étaient considérés comme de grands enfants qu’il fallait commander avec bienveillance mais fermeté, d’où une conduite souvent paternaliste qui se conjugua au respect des croyances et des interdits religieux ; les cadres, dans le même temps, craignaient que ces colonisés se livrent à un prosélytisme musulman ou subissent la propagande communiste, ce qui attisait leur défiance. Cette ambivalence provoqua des attitudes contrastées. En 1940, bien des officiers protégèrent leurs soldats contre la brutalité des nazis qui multiplièrent les exactions, parfois les crimes, contre ces représentants de peuples jugés inférieurs ; mai