Entendre les tremblements du présent, prendre le risque de les restituer dans l'instant suivant, de les évaluer, de les décrypter, de les anticiper même… Accroché à la balustrade d'une matinale de l'info, Bernard Guetta a raconté chaque matin aux auditeurs de France Inter le feuilleton de l'An I des Arabes, une année où le vieux monde et quelques-uns de ses dictateurs sont passés par-dessus bord. On le retrouve intact, on croit encore entendre sa voix dans ce livre de chroniques publié ces jours-ci. Un ouvrage en trois temps, trois rythmes qui s'entremêlent : celui de la radio et donc l'immédiat, celui du chroniqueur hebdomadaire et de l'écrit dans Libération ou La Repubblica ; celui d'un premier recul enfin, l'auteur ne se privant pas de revenir, une année plus tard, sur une correction, un remord, une nouvelle piste, glanée au Caire, à Tunis ou à Washington.
Au-delà du plaisir de retrouver chacun des moments de fièvre, d’ivresse ou d’incertitude de ce grand récit lyrique écrit au présent et à la première personne, la force de ce livre tient aux allers-retours historiques incessants que pratique Guetta. Correspondant en Pologne quand claquait au vent l’espoir de Solidarnosc, en Russie quand Mikhaïl Gorbatchev ouvrait par effractions la porte à une nouvelle société civile, dans l’Amérique libérale de Reagan, ou reporter en Iran ou en Turquie, l’auteur multiplie - justement - les «correspondances», les effets de scènes et de sens qui donnent soudain à