«Enfant, je vivais avec mes parents dans l'extrême nord-est, où le contraste entre les saisons est si grand. L'hiver, je trouvais la fin du jour interminable : la lumière fondait si lentement que jamais la nuit ne semblait tomber, elle se faufilait plutôt. Alors c'était fini, la lune était notre seul soleil, le bleu régnait sur la vie. J'étais jeune : je pensais que la longue nuit était la norme pour tout le monde, et cela me rendait mélancolique. Doit-on pour autant conclure que mon esprit poétique vient de là ?»
Ses yeux clairs noyés dans l’immense carte de l’Islande affichée sur le mur du pub, le poète Sigurdur Palsson (1) se souvient, et s’interroge. Comment expliquer le «miracle islandais» sans tomber dans l’équation facile : climat rigoureux + nature sauvage = fibre littéraire ? Un volcan, Eyjafjallajökull, trois geysers et quinze trolls ne font pas un poète. Alors quoi ?
Peu d'Européens du continent connaissent l'existence de ce mystère, qui n'a rien, ou trop peu, à voir avec le roman noir dont on estampille souvent l'ensemble de la production scandinave. L'incroyable tient en une phrase, formulée par le poète : «Le texte occupe une place spéciale dans la société islandaise.» Autrement dit : sur cette île peuplée de 320 000 âmes (soit un peu moins que la ville de Nice), dont les deux tiers vivent à Reykjavik, les gens lisent et écrivent comme nulle part ailleurs.
Difficile de faire l'impasse sur les chiffres tant ils sont étourdissants : en 2010 et 2011