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Libération
Critique

Le fantasme de la «belle Juive»

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Une histoire fatale de femmes
publié le 29 mars 2012 à 0h00

Judith, Esther, Rébecca, Salomé, Sarah… du Moyen Age au siècle des Lumières, ces figures ont participé de l'évocation picturale de la Bible, mères éplorées puis salvatrices de leur peuple. Elles deviennent au XVIIe siècle, sous la plume de Racine, des modèles pour jeunes filles. Ces évocations ne convoquaient ni une singulière beauté ni la judéité, éléments fondamentaux au XIXe siècle de la «belle Juive» née de l'imaginaire goy français. L'historien Eric Fournier suit le parcours heurté de ce motif, analyse sa composition évolutive et ses relations changeantes avec la matérialité sociale. L'étude, originale et audacieuse, conduit de l'avènement de la «belle Juive», depuis la traduction en 1820 d'Ivanhoé de Walter Scott, qui sublime Rébecca, jusqu'à la proposition en 1938 de Montandon, prêt à mutiler le nez des Juives pour tuer leur beauté.

«Solaire». Dans le livre, ce motif se trouve confronté à «un débat historiographiquement sensible» sur l'existence, ou pas, d'un «type propre aux Juifs». La «belle Juive» peut être à la fois un instrument de l'élaboration de «l'invention du peuple juif» exempt de métissage, selon la vulgate sioniste, et un outil de dénigrement racialiste. Face à un sujet aussi délicat, l'auteur préconise de ne pas juger avec nos critères des propos tenus en un temps où «l'antisémitisme n'est pas un enjeu politique sur lequel il faut se positionner». Aussi, le livre