A sa mort, en 1867, le peintre Jean-Auguste-Dominique Ingres légua des milliers de carnets à sa ville natale, Montauban. Depuis 2005, le musée Ingres se livre à une expérience originale : laisser carte blanche à un écrivain pour choisir parmi les 4 500 dessins une sorte d’itinéraire. L’invité cette année est Jérôme Prieur, écrivain et cinéaste, toujours prêt à se laisser subjuguer par les images fixes ou animées, qui nous propose un bel ouvrage sur le travail du peintre et la création artistique.
Le livre est une sorte d'intrusion dans l'intimité du maître. On y découvre des moments de liberté méconnus, comme le drôle de Baiser à l'ail ; des détails sur sa personnalité et son travail - «Ingres se fait supplier, il ne répond pas aux lettres, il faut patienter des années, avant qu'un jour, il consente.» Le journaliste Henry Lapauze, qui a beaucoup travaillé sur Ingres, prétendra même qu'il se consacrait aux portraits «malgré l'horreur instinctive qu'il en avait». Les nombreux dessins préparatoires et les années qui pouvaient s'écouler entre ces premières esquisses et la peinture finale donnent la mesure de ces réticences.
Prieur accompagne les très belles reproductions d’une enquête littéraire sur le peintre, en s’appuyant sur le travail des biographes d’Ingres mais aussi des écrits de Balzac, Proust, Gautier, les frères Goncourt ou Baudelaire.
Et comme l’auteur aime à regarder au-delà des images, les jeux de miroirs d’Ingres ne pouvaient lui échapper.