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Libération
Critique

Drieu reconnaîtra les siens

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«Gilles» en Pléiade
publié le 18 avril 2012 à 19h07

Remarques recueillies à l'annonce de cette recension : «Ah bon ? Drieu était collabo ? Je suis déçu» (un ami âgé de 20 ans, qui vient de voir Oslo, 31 août). «En Pléiade ? Il n'y avait vraiment pas plus urgent ?» (un ami de 40 ans). «En même temps, c'est une précaution utile, pour après le 6 mai, on ne sait jamais» (un ami de 60 ans). Fortunes variées dans l'opinion, entre les plus jeunes, pour qui l'entreprise d'oubli menée ces dernières années a si bien réussi que Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945) est un romancier sans histoire, et les plus vieux ne lui pardonnant rien, tel Dan Franck qui, dans Minuit (2010), en trace un portrait acéré, rappelant son rôle dans la collaboration, sans oublier cependant ses gestes en faveur de ses amis et de sa première femme, quand il dirige une Nouvelle Revue française affidée aux nazis : «Veillez à ce qu'il n'arrive jamais rien à Malraux, Paulhan, Gaston Gallimard et Aragon quelles que soient les allégations dont ils feraient l'objet», écrit Drieu en 1941 au chargé de la propagande à Paris.

Drieu fut nombreux : ami indéfectible d'Aragon, auteur d'un petit roman pour ados bien torché (le Feu follet, 1931), d'une épopée du mal de vivre fascisant (Gilles, 1939) qui en fait un frère ennemi de Sartre et de sa Nausée - leur style scolaire et leur existentialisme les rapprochent. Il fut surtout celui qui accepta de prendre la tête de la NRF de Gal