En 1855, l'avocat Eugène Huzar publie la Fin du monde par la science, étonnant opuscule dans lequel il explique comment un certain type de progrès, «qui marche à l'aveugle», peut conduire à la catastrophe. Et si l'extraction de charbon déplaçait le centre de gravité terrestre ? Et si le creusement des canaux interocéaniques perturbait les courants maritimes ? Multipliant les questions de ce type, Huzar recommande l'établissement d'une gouvernance ou «édilité planétaire» pour légiférer sur ces points. Jean-Baptiste Fressoz connaît bien Eugène Huzar, qu'il a réédité en 2008 (éditions Ere). Il élargit aujourd'hui la réflexion dans l'Apocalypse joyeuse, un livre tiré de sa thèse et dans lequel il défend une idée forte : l'Europe n'a pas attendu l'ère postmoderne pour penser le risque technologique ; les acteurs triomphants du positivisme et de la révolution industrielle ont perçu et pesé les risques du progrès, mais ils ont passé outre.
L'auteur s'adosse pour cela à six études de cas, six controverses environnementales datant des années 1750-1850. Certaines relèvent de la modernité médicale - l'inoculation de la petite vérole au milieu du XVIIIe siècle, puis la vaccination antivariolique à la fin du siècle -, d'autres des formes neuves de l'industrialisme du XIXe siècle : l'introduction du gaz d'éclairage, les usages de la soude (qui ravageaient champs et moissons), les technologies de la vapeur et du rail. Dans tous les c