«Ces temps derniers, des mots comme "emprisonner" et "libérer" sont à la mode, mais, justement, l'idée même qu'un roman devrait être écrit de telle ou telle manière n'est-elle pas, elle-même, une idée extrêmement "emprisonnée" ? Je décide dans mes réflexions nocturnes qu'un roman peut être écrit de la manière que l'on veut.» Mori Ôgai, né en 1862 et mort en 1922, a écrit plusieurs romans mais Chimères n'est pas l'un d'eux. C'est un recueil de cinq textes narratifs et spéculatifs qui, d'une certaine manière, ne ressemblent à rien, aux deux sens opposés de l'expression, comme s'ils étaient d'une originalité radicale mais ne correspondaient pas à ce que devrait être l'œuvre d'un écrivain. Ces textes apparaissent, d'un même mouvement, denses et décousus. On ne comprend pas bien où l'auteur veut mener le lecteur mais, à coup sûr, pas à un coup de théâtre dans l'intrigue. On dirait qu'ils racontent le plus exactement possible la distance à laquelle l'écrivain doit être par rapport à son œuvre. «Je suis un observateur détaché de naissance», écrit Mori Ôgai.«Le style d'Ôgai est, outre la particularité de son rapport à la fiction et au récit de soi, une de ses grandes marques. C'est un style sec et concis, d'une extrême concentration qui le rend parfois obscur», écrivent les traducteurs Ryôji Nakamura et René de Ceccatty dans leur préface. L'obscurité est ici une qualité maintenant le lecteur dans l'incertitude.
Le premier texte, qui est largement l