La musique, on le sait, ne jouit pas des mêmes quotas d’intérêt que les arts visuels ou la littérature quand on en vient à la philosophie ou à la psychanalyse. Entre autres parce qu’elle ne figure rien, et qu’une de ses sous-parties, le chant, engage - comme la danse - le corps de l’artiste, sans nécessiter absolument un récepteur. On peut chanter seul et y prendre du plaisir, on peut chanter souvent même sous les dictatures et l’oppression (alors qu’on n’y peut ni peindre ni composer librement), à telle enseigne que chez un peuple qui chante beaucoup, on soupçonne souvent une atrophie de la liberté politique, comme la fièvre pour la maladie.
Pour le béotien freudien et rousseauiste, la voix et le chant sont plutôt liés à la mère, à la naissance du langage et à la communication vitale. Les psychanalystes Jean-Michel Vives et Marie-France Castarède ont choisi d'explorer quant à eux l'hypothèse du père. Chez Castarède, dans le prolongement de son séminal la Voix et les Sortilèges (1987), Chantons en chœur est l'occasion de raconter sa propre expérience de choriste au sein de l'Orchestre de Paris sous la direction d'Arthur Oldham, à qui ce livre rend un hommage appuyé : «Le chef de chœur est […] une figure paternelle qui, loin de séparer fantasmatiquement l'enfant de la mère, l'y ramène pour une alliance heureuse et comblée.» Puisque le chœur est une sorte de famille idéale où «la différence des générations s'abolit dans un désir de fusion