En 2008, Jean-Luc de Laguarigue a commencé à s’intéresser aux bagnes de Guyane. Celui de l’île du Diable, où Dreyfus fut détenu, mais aussi ceux des îles Royale et Saint-Joseph, et de Saint-Laurent-du-Maroni. Il en a rapporté des photos frappantes des colonies-prisons et de ce qu’elles ont contenu de vies, de morts, de souffrances, tout cela rendu à la forêt tropicale et devenu comme fantomatique.
Dans sa préface, il raconte le choc quand il débarque, «l'envie de passer rapidement tout en voulant pousser plus loin», «le ressac de la vie et de la mort imbibant cette forêt de pierre et de bois» (il y a aussi un texte de Patrick Chamoiseau, «Traces-mémoires du bagne»). Les clichés de Laguarigue montrent le quartier disciplinaire, prison dans la prison, et les graffitis qui décomptent le temps.
Parfois, la pierre ocre ou rosée fait croire à un bâtiment ordinaire, mais il y a toujours un détail qui rappelle l'architecture d'enfermement. On découvre une immense salle à manger dont ne restent que les murs et la structure métallique du toit, ou les cellules du quartier dit «spécial», celui des condamnés à mort. A Saut-Tigre, on voit le fleuve, et des vestiges de bâtiments, c'est le bagne des Annamites, qui a fonctionné jusqu'en 1945. Au camp de la Transportation, une marque de poêle sur un mur bleu délavé : on est dans une cuisine située face à la guillotine.
Il y a aussi des rangées de cases qui ne peuvent qu’évoquer celles des esclaves qu’on voit encore à la Martini