Patrick Declerck est né belge et «moche à décoller le papier peint» il y a cinquante-huit ans. Il est aujourd'hui psychanalyste, et doué d'un solide sens de l'humour. Mi-freudien, mi-nietzschéen, mi-desprogien. Et auteur, encore. Ici, il s'agirait d'un roman. Un roman ? Alors seulement en ceci que la mémoire joue des tours. Détours. Qu'elle invente, interprète, se représente le réel autant qu'elle s'en souvient. «Les souvenirs ne sont en rien purs, et jamais seule objective chronique du réel.»
C'est en effet le roman d'une mémoire. Pire, une mémoire de psychanalyste ! Et on se prend bientôt à tenter de l'analyser, lui, entre les lignes. Comme si l'auteur, amusé, nous avait confié les clés moites de son inconscient. Moi, ça, etc. Psychanalyse de comptoir, bien sûr. On ne s'improvise pas analyste. Mais on joue à l'être avec lui, qui nous détaille son enfance, sa famille normalement dingue, entre une Mémé «mygale castratrice», un Tonton bâti «comme un frigo soviétique», un père, «œdipien et intime ennemi», immobile et fuyant à la fois, inerte à toute vitesse.
Il raconte ses patients aussi, ces analysants qui ont souvent l'air plus sains que ses proches. Ceux-là, en effet, ont eu le «courage» d'aller à l'analyse. Parce qu'«ils sont si rares ceux capables de s'explorer. De s'arpenter comme on arpente un domaine. Ceux capables de se gravir eux-mêmes. […] Comme ils sont héroïques ces quelques-uns qui osent se mesurer au miroir