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Critique

La ville de Zangwill

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Le cahier Livres de Libédossier
Le monde clos et coloré des juifs de Londres au XIXe siècle par le «Dickens du ghetto»
publié le 23 mai 2012 à 19h06

Publié à Londres en 1892, ce roman peut être considéré comme l'acte de naissance de la littérature juive anglaise. Des «types» juifs peuplaient bien sûr de longue date le théâtre ou la fiction britannique (le Shylock de Shakespeare, la Rebecca de Walter Scott ou le Fagin de Dickens), mais aucun récit n'avait mis en scène les juifs comme société ou comme groupe. Or tel est bien le dessein d'Israël Zangwill, qui sous-titre Enfants du Ghetto «Etude d'un peuple singulier». Le contexte, assurément, l'y invitait. De 28 000 en 1850, le nombre de juifs installés en Angleterre était passé à plus de 100 000 à la fin de siècle, sous l'effet des migrations massives venues de l'empire russe et des pogroms qui s'y multipliaient. Tous les nouveaux venus ou presque s'installent à Londres, dans les quartiers misérables de l'East End où ils reconstituent un nouveau ghetto, triste et sordide comme il se doit, même s'il s'agit cette fois d'un ghetto consenti. Issu d'une famille lituanienne qui avait trouvé refuge à Whitechapel, Zangwill appartient à ce monde qu'il décrit donc d'après nature.

Marieur. Deux parties assez différentes organisent le récit. La première met en scène de façon très pittoresque le petit monde clos des juifs londoniens. Autour d'un immeuble, «la colonie du n°1 Royal Street» où l'on ne parlait que yiddish, et d'une famille-témoin, les Ansell, petite troupe désolée qui vit à sept dans une mansarde, Zangwill fait défiler une galerie