Mais d’où vient cette maladie infantile qui se joue des meilleurs esprits, des latitudes et des régimes politiques ? Elle semble ne connaître aucun répit, aucune limite, aucun antidote. Cette pathologie d’un début de siècle sans boussole, qui guette chacun d’entre nous, c’est la paranoïa. Elle court, elle court, comme le furet. Elle prospère au point d’envahir et de polluer un espace public pourtant informé et éduqué comme jamais dans l’histoire de l’humanité.
Souvent, elle s'insinue dans la sphère professionnelle et personnelle. Elle fait son miel des drames comme des querelles, des révolutions comme des faits les plus minimes ou les plus intimes. Du 11 Septembre à la mort de Ben Laden, de l'affaire DSK aux printemps arabes, jamais la rhétorique du complot n'a semblé aussi prégnante, aussi insidieuse, aussi partagée. «Pourquoi aimons-nous tant les complots ?» s'interroge le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, dans un livre d'échanges avec le journaliste Laurent Bazin, prolongeant une séance du collège de philosophie à la Sorbonne. Il faut d'abord se rendre à l'évidence : «Nous aimons les conspirations, les machinations, les jeux à trois bandes et les coups tordus.» On se rassure comme on peut et on canalise nos peurs avec des explications limpides comme l'évidence, parce que «rien n'est plus angoissant et vertigineux qu'un mal qui arrive sans raison».
Comment ne pas se laisser embobiner par ce «poison de l'esprit» ? Les auteurs se gardent de