Deux recueils de nouvelles aux titres intrigants, dynamiques et qui dégagent une certaine philosophie. Leur énoncé paraît presque tenir du haïku. Ces deux auteurs français draguent sur des terres assez différentes, thèmes, univers et style compris. Tout en aimant dévier de la pure réalité.
Rare, auteur d'une longue anticipation politique inspirée de Michel Foucault, la Zone du dehors (2001) et de la remarquée épopée de fantasy la Horde du Contrevent (2004), Alain Damasio livre un recueil de huit textes écrits entre 2001 et 2011 et de deux inédits aux intitulés de la même onde que celui de la couverture, «C@ptch@» et «Une stupéfiante salve d'escarbilles de houille écarlate». Ses personnages, loin d'être des héros, se trouvent souvent isolés dans des sociétés hostiles, dystopiques, ou confrontés à un choix décisif. Jamais inertes devant l'adversité, ils tentent toujours le tout pour le tout, une manière d'appréhender la réalité qu'éclaire fortuitement l'exergue signée René Char («Etre du bond. N'être pas du festin, son épilogue.») et qui peut expliquer aussi certains dénouements évanescents. Autre marque de fabrique de Damasio, le ciseleur, le travail physique et cérébral sur la langue, voire sur le formatage du texte dans la page. Le lire réclame une pesée attentive de chaque phrase.
La nouvelle qui ouvre Aucun souvenir assez solide illustre à merveille cette bivalence entre le protagoniste engagé et le goût pour les torsions prosodi