C'était la première fois qu'il voyait la mer - du moins ce qui était à ses yeux la mer, la Méditerranée. Il dut l'apercevoir aux premières heures de l'après-midi, par la fenêtre du train qui perce les promontoires escarpés de la côte ligure. Il voyageait avec un de ses étudiants, Alfred Brenner, que la baronne avait aussi invité. A Gênes, il y avait un soleil radieux. Mais une crise le contraint à rester à l'auberge. Il écrit à sa mère, en style télégraphique. «Violent mal de tête : tout de suite au lit, vomissement, et durée de cet état quarante-quatre heures. Aujourd'hui, dimanche, mieux ; à l'instant retour d'une excursion au port et à la mer. Magnifiques couleurs et calme du soir.» Avant de partir pour l'Italie, il avait passé quinze jours à Bex, dans le Valais, à l'hôtel du Crochet. Il y avait fêté son 32e anniversaire, et scellé l'amitié avec le jeune philosophe Paul Rée.
Bain de mer. Alfred Brenner, Paul Rée et Friedrich Nietzsche prennent le bateau à Gênes et arrivent à Naples le mercredi 25 octobre, à une heure du matin. Ils sont accueillis par la baronne Malwida von Meysenbug, qui le lendemain installe ses hôtes à Sorrente, Villa Rubinacci. Des fenêtres des chambres, on voit d'un côté un bois d'orangers, un sentier de mules qui tortille sur la falaise, et, de l'autre, la mer, Ischia et le Vésuve. «J'ai une très grande chambre, avec un plafond très haut et une terrasse. Je viens de prendre mon premier bain de mer. D'a