L'auteur, psychiatre et psychanalyste, introduit son propos par une définition du narcissisme non psychanalytique, mais littéraire, qui cerne un syndrome au fond assez banal et dont la connaissance remonte loin dans le temps, à la mythologie grecque pour ce qui est de l'Occident. Qui ne connaît en effet le mythe de Narcisse, demi-dieu capable de faire tomber amoureux de lui n'importe qui dès le berceau ? Paul Denis cite ainsi, en liminaire, cette épigramme d'Oscar Wilde : «S'aimer soi-même est le début d'une passion qui dure toute la vie.» De nos jours, l'adjectif «narcissique» est «branché», passablement victime de son succès ; surabondamment utilisé en psychanalyse, il est passé dans la langue courante, et tout un chacun d'entonner l'antienne de «blessure narcissique» pour qualifier une rupture amoureuse, un accident, un deuil et autres événements douloureux.
De manière très précise, à l’inverse du flou qui entoure cette notion, la psychanalyse nous apprend qu’il devrait exister chez chacun de nous un narcissisme «normal» (!), «bien tempéré», fait d’un amour de soi suffisant, mais doté en même temps de la capacité d’aimer d’autres personnes. En théorie nous devrions ainsi être des Narcisse responsables, autonomes, capables «d’aimer et de travailler» selon la formule de Freud décrivant le bon résultat d’une analyse. Le problème est : 1. que tout un chacun n’est pas analysé ; 2. que certains analystes ne sont pas toujours au clair avec leur propre narcissism