Pour commencer, quelques informations bibliographiques. Joseph Conrad - né Jozef Teodor Konrad Korzeniowski en Pologne, en 1867, et qui n'adopta son nouveau nom qu'en 1895, à la publication de la Folie Almayer, son premier roman - a d'abord voulu intituler «le Double appel», celui de la mer et celui de l'écriture, ces Souvenirs personnels. Les sept chapitres en sont parus en revue à partir de 1908. En 1912, le texte est publié en volume, sous le titre Some reminiscences aux Etats-Unis et A Personal Record en Angleterre, titre qui sera bientôt celui de toutes les éditions. Fin 1924, quelques semaines après la mort de Conrad, paraît la première traduction française de Georges Jean-Aubry, proche de l'écrivain, sous le titre Des souvenirs, que Conrad «avait lui-même choisi».
Souvenirs personnels fait parfaitement l'affaire, et c'est sous ce même titre que le texte est paru dans les Œuvres de Conrad en Pléiade. On pourrait croire à un pléonasme, les souvenirs n'ayant pas vocation à être ceux d'un autre, mais le rapport à ses souvenirs est ici propre à l'écrivain. Fin du premier chapitre : «Ce n'est pas l'invention, mais l'imagination, qui est le maître suprême de l'art comme de la vie. Le récit exact et imaginatif de souvenirs authentiques peut rendre utilement hommage à ce sentiment de piété à l'égard de tout ce qui est humain, qui justifie les conceptions d'un écrivain-conteur et les émotions d'un homme