Menu
Libération
Interview

Rachel Ertel «Le yiddish a été assassiné en cinq ans»

Article réservé aux abonnés
Le cahier Livres de Libédossier
Entretien avec Rachel Ertel
publié le 20 juin 2012 à 19h06

Ecrivain et traductrice, professeur émérite, Rachel Ertel a longtemps enseigné le yiddish aux Langues O. Auteure de plusieurs livres, dont le dernier en date est Brasiers de mot (Liana Levi, 2003), cette juive d'origine polonaise a fondé la collection «domaine yiddish», abritée successivement par plusieurs éditeurs.

Pourquoi ce livre ?

Je l’avais lu dès 1968 lors de sa publication et j’avais été enthousiasmée. Ce livre qui n’est pas traduit, je crois, en hébreu, sinon certains passages, ni en anglais, est une œuvre inclassable, sans aucun équivalent dans la littérature juive, même parmi les nombreux romans écrits en yiddish par les rescapés arrivés en Israël après la guerre. Il est à la fois très construit, très écrit, et il joue sur tous les registres de la langue, quotidienne, philosophique, poétique, métaphysique. Le traduire a été un travail de titan, cela m’a pris trois ans à temps complet, mais c’était un moment de mon existence où cette symbiose entre la vie et la mort qui imprègne toutes ses pages prenait tout son sens.

Vous avez connu Leïb Rochman ?

Il vivait à Paris entre 1948 et 1950 dans une maison communautaire pour intellectuels et artistes rescapés du Xe arrondissement où se trouvaient aussi mes parents. J'étais encore enfant, mais je me souviens très bien de lui. La nuit, on pouvait entendre les cris des cauchemars. Le jour, ils ne pensaient qu'à vivre. C'est ce déchirement que j'ai aussi retrouvé dans ces pages. Leïb Rochman était comme une synthèse de ce monde juif disparu. Il a grandi dan