«Les morts vivent plus longtemps en France que partout ailleurs.» Ainsi s'exprime avec son humour britannique, l'historien Sudhir Hazareesingh, dans un passionnant numéro de la revue Books, dont le grand dossier est consacré à «l'histoire de France vue d'ailleurs». Ce professeur à Oxford s'amuse que, dans ce pays singulier, on n'ait jamais cessé de faire parler les héros nationaux. Nos hommes politiques se prennent volontiers pour des ventriloques, ils ne cessent d'invoquer et de convoquer Charlemagne, Jeanne d'Arc, Napoléon, de Gaulle ou Mitterrand.
«En France, ajoute ce spécialiste du Second Empire, l'histoire reste un récit national positivant, volontariste et empreint de nostalgie conservatrice, pour conforter à la fois la particularité française et le sentiment d'appartenance.» Il relève ainsi que «Jeanne d'Arc a été cuisinée à toutes les sauces idéologiques, du nationalisme au communisme, en passant par le pétainisme, le catholicisme et le gaullisme».
Nombre d'historiens étrangers s'intéressent aux multiples facettes de ce tropisme national. Non sans remarquer d'ailleurs que leurs collègues français dédaignent volontiers ce regard étranger, faisant souvent de «la dimension hexagonale» l'horizon indépassable de leurs recherches. Et se privent ainsi de voir comment nos «grands mythes» voyagent eux aussi à travers les siècles et les frontières.
Johannes Fried raconte comment des historiens, des écrivains et même des polit