On ne peut plus raconter la Syrie autrement qu'en égrenant le long chapelet d'horreurs commises au quotidien et sans se désespérer d'une barbarie qui apparaît sans fin. Pourtant, il y a peu, le pays accueillait des cars de touristes, des voyageurs en quête des clichés de l'Orient, des routards en transit et autres globe-trotters dont le point de ralliement était, à Alep, le mythique hôtel Baron aux marches patinées que foulèrent, entre autres illustrissimes personnages, Lawrence d'Arabie, Agatha Christie (elle y écrivit le Crime de l'Orient-Express), Charles de Gaulle…
Tous ont égaré leurs pas dans le labyrinthe des souks, leur regard dans le fouillis ordonné des ruines et leur imagination le long du chemin de ronde de l'incomparable Krach des chevaliers, magnifique forteresse qui évoque un coquillage géant posé sur le rivage du désert «où les échos lugubres du temps sont moins rassurants que le bruit de la mer dans le creux de l'oreille». Cette Syrie d'avant le désastre, Lucien d'Azay la relate dans un récit de voyage réalisé l'été 2008, soit environ six mois avant le début de l'actuelle intifada. L'auteur y est venu «en franc-tireur», avec sa compagne enceinte, sans but précis si ce n'est de s'arracher à eux-mêmes, réfléchir à la vie nouvelle qui les attend et de faire de la littérature en racontant un pays qu'ils ne connaissent pas, en promenant, comme dit Stendhal, «un miroir le long d'un chemin».
On s'agace d'abord de tant de légèreté d