Profitons du nouveau spectacle de Christophe Honoré, Nouveau Roman, créé au festival d'Avignon, pour signaler la sortie en poche des Gommes d'Alain Robbe-Grillet. Il s'agit d'un livre tellement drôle (bien que glauque) et passionnant que des lecteurs paranoïaques seraient tentés de lui retirer son AOC Nouveau Roman. Mais la maison mère le rappelle en quatrième de couverture : «Les Gommes, premier roman d'Alain Robbe-Grillet (1922-2008), a été publié aux Editions de Minuit en 1953 et a reçu le prix Fénéon en 1954. Il est, comme la Jalousie, l'un des livres emblématiques du Nouveau Roman.»

Pourquoi les Gommes ? Parce que l'agent spécial dépêché en province afin d'enquêter sur un assassinat recherche par ailleurs une gomme d'une texture précise. Il ne se souvient pas de la marque. Et comme il profite d'être dans un magasin pour demander son chemin et poser des questions, il est chaque fois obligé d'acheter une gomme qui ne lui convient pas, sinon le commerçant croirait que ladite gomme n'était qu'un prétexte. Cette obligation d'achat renvoie à un motif plus large : l'imparable nécessité qui préside dans le roman aux mouvements les plus abracadabrants.

L’assassinat est d’ordre politique : une personnalité de haut niveau est supprimée quotidiennement à 19 h 30. On en est à neuf crimes. Une organisation anarchiste est derrière cette tentative de déstabilisation, d’où le recours à un Bureau des enquêtes, sorte de service du contre-espionna