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Libération
Critique

Monologue

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Le cahier Livres de Libédossier
publié le 11 juillet 2012 à 19h46

On ne sait pas qui a inventé que Fallada (1893-1947) décrivait la société allemande de son temps avec réalisme. Ou alors, l’expressionnisme est un réalisme d’un genre extrême, un choix qui s’affirme comme tel et assume les lunettes d’un narrateur-gouffre, aussi conscient des défauts des autres que des siens. Un homme qui les contient tous, plein de rire jaune et d’abjection résignée.

Seul dans Berlin (1947), sur la vie d'un immeuble en temps de nazisme, la lâcheté et ses infinies variations, est son chef-d'œuvre. Avec le Buveur, texte posthume, on découvre que la violence de Fallada n'est pas seulement sociale ou politique, mais aussi métaphysique. Raconté à la première personne et au passé par un commerçant qui sombre dans la crapule, perd sa femme, son honneur, son nez et sa liberté en plongeant volontairement dans toutes les déchéances, le Buveur ricane à la face du ciel vide .

Ici, l'alcool, comme le nazisme dans Seul dans Berlin, ne sert qu'à révéler la pourriture humaine : devenu «un homme qui trompe sa femme, qui lorgne sur la poitrine de la bonne avec une lucidité satisfaite», le héros s'interroge : «Cela ne peut pas être l'alcool, car je ne bois que depuis aujourd'hui, et cette mollesse dure depuis si longtemps déjà. De quoi s'agit-il alors ?» Aucune dénonciation, aucun pathos, évidemment. Tout le récit n'est qu'un effort pour tomber plus bas et le comique surgit à chaque obstacle matériel ou social qui sépare Somm