«J’ai rêvé de claquer des portes une bonne quarantaine de fois dans ma vie, ce qui est peu étant donné mon âge (qui n’est quand même pas considérable, mais enfin, j’en ai vu des portes et, sur le nombre, j’ai rêvé d’en claquer au moins une par an - disons une, car nourrisson j’y pensais peu : en général, nourrisson, on est bien où on est).
«Et, sur ces quarante portes qui me faisaient de l’œil, je n’en ai franchi en trombe que cinq ou six (je ne suis pas un homme facile). Le plus souvent sans les claquer, plutôt en les traversant en coup de vent, sans trop de bruit, juste un schlouf : malgré une certaine corpulence acquise avec les années à force de tourner sur moi-même (selon le principe de création de la barbe à papa - c’est un peu comme ça que je me vois, une barbe à papa).
Sueur et ahanements
«Je sors presque en silence et dévale les escaliers, s’il y en a, comme une ballerine (je suis un mélange entre une ballerine et une barbe à papa, je suis l’homme, le vrai, le costaud), car il s’agit de ne pas se faire repérer. Une course-poursuite serait humiliante, l’évaporation romantique se transforme en combat de vitesse avec gouttes de sueur, ahanements et tête toute rouge, ça casse tout le charme de la fuite - et, surtout, je ne suis pas très fort à la course. J’ai claqué quelques portes de bureaux, de travail, mais c’est du claquement facile et peu noble, c’est technique, de la mécanique de sauvegarde de l’intégrité, ça se fait tout seul - ce sont souvent des portes coulissantes automatiques.
«En