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Libération
TRIBUNE

Elsa Morante, sauve qui peut

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par Mario Cifali, Psychanalyste et écrivain
publié le 17 août 2012 à 19h06

A l'occasion du centenaire de la naissance d'Elsa Morante, ce samedi, l'œuvre de cette grande poétesse et écrivaine fait retour dans les librairies d'Italie. Elle fut de ceux qui crurent - avant de déchanter - en l'aventure de 68. De nature juvénile, cette aventure mobilisa, il faut le dire, nombre d'intellectuels. L'élan libertaire qui l'embrasa fut exceptionnel. Depuis lors, la distance s'est accrue entre ceux qui performent dans le système et ceux qui rêvent d'un autre monde. Son livre le Monde sauvé par les gamins est l'une des voix poétiques qui, en écho aux révoltes de 68, s'adressa aux jeunes, au-delà des remous de la classe ouvrière. Ce fut une voix qui sut distinguer «dans les fièvres, dans les agonies, le fil du scénario interdit, lorsque la machine commence à s'abîmer». «Un manifeste politique écrit avec la grâce de la fable», selon Pasolini.

Protester contre la déchéance humaine par les moyens de la poésie, en éveillant les jeunes lecteurs aux réalités du monde, fut le projet d'Elsa Morante. Mettre en garde contre les dangers du dedans et du dehors, et parmi ceux-ci, le plus périlleux de tous, celui de l'irréalité, tel fut le dessein de sa poésie, de sa voyance et prophétie. Son écriture, dans la pratique de la vie sociale et politique, défie le monstre où qu'il se cache. Elle aspire à une chose essentielle : libérer les hommes de la peste aux multiples visages et non les anesthésier. Dans La Storia, elle réinvente en ce sens le