Menu
Libération
Critique

Label époques

Article réservé aux abonnés
Acrobaties narratives de l’Américaine Jennifer Egan, amatrice de camemberts graphiques
publié le 29 août 2012 à 19h06

C'est curieux, mais on pense souvent à Gérard Genette à la lecture de Qu'avons-nous fait de nos rêves ?, tant les acrobaties de Jennifer Egan font l'effet d'un répertoire de narratologie. Comme répondant à divers défis d'écriture, l'auteur de la Parade des anges et de l'Envers du miroir (Belfond, 1995 et 2003) semble en effet recenser toutes les manières possibles de raconter une histoire, télescopant à plaisir époques et niveaux de récit, protagonistes et points de vue. L'instance narrative est tour à tour étrangère à l'univers spatio-temporel désigné par la fiction (hétérodiégétique) ou partie intégrante (homodiégétique), la focalisation interne ou externe, le style direct ou indirect.

Rousse. Dans tous les cas, Egan tient la barre en démiurge, bouge le curseur des late sixties (analepse) au futur proche (prolepse), juge ses personnages du haut de sa colline et règle leur sort en quelques lignes. Prenons Sasha vers la fin, la rousse clepto avec laquelle s'ouvre le roman : «Un jour, plus de vingt ans après celui-ci, Sasha aura fait des études supérieures et habitera New York. Elle aura retrouvé un copain de lycée sur Facebook, se sera mariée tard […] et aura eu deux enfants, dont l'un légèrement autiste. Elle mènera une vie normale avec son lot de soucis, de joies, de découragements.» Aucun spoiler, étant entendu qu'ici c'est dans le passé que se trouvent les rebondissements, déchirures et traum