C’est un texte sidérant. Une expérience de lecture extraordinaire et dénuée, jusqu’au moment de refermer le bref volume, du moindre plaisir. Alors s’impose la certitude d’avoir lu un livre immense. Christine Angot n’a rien ressenti en l’écrivant. Ce n’est qu’une fois le travail achevé, cet été, qu’elle s’était sentie mal. Pour la première fois, elle parle publiquement de ce roman hors pair, en explique la genèse et précise les intentions, éclairant ses choix littéraires et politiques.
Vous souvenez-vous avoir décidé d’écrire ce livre ?
Oui, je m’en souviens, à un moment précis s’est concrétisée clairement pour moi l’idée que, même si elle est connue de tous, la dimension sexuelle de l’inceste n’était pas sue, que les gens ne «réalisaient» pas. Ils ne savent pas, parce que c’est trop compliqué à savoir. C’est juste une info, c’est rien, ça n’existe pas. Ils ne voient pas ce que ça veut dire. Cela vaut de manière plus générale pour le sexe, dans une société qui pourtant prétend en connaître un rayon, être affranchie, à l’aise, en plaisanter de toutes sortes de façons, le multiplier de toutes sortes de façons, avec de plus en plus de libéralisme nous dit-on. Je me suis rendu compte que derrière tout cela il y avait une ignorance de ce que voulait dire ce mot : sexe. La plupart des gens ne savent pas ce que ça signifie. Dans cette société qui prétend tellement maîtriser le genre érotique, le genre pornographique, le genre amoureux, le genre coucher, le genre baiser, j’ai décidé d’écrire ce que pouvait être le sexe dans une situati