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Libération
Critique

Bulle perdue à Tel-Aviv

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«Le Bruit de nos pas», huis-clos familial et hystérique de Ronit Matalon
publié le 12 septembre 2012 à 19h07

Presque toutes les scènes se passent dans «la baraque», un genre de préfabriqué planté au milieu d'autres baraques. On est dans la lointaine banlieue de Tel-Aviv, parmi les ronces et le sable, bien après le terminus du bus. C'est là que quelqu'un a déposé, une fois pour toutes, une famille d'immigrés juifs égyptiens.

La voix du narrateur est celle de la petite, la troisième enfant, qui observe sa famille. Lucette, «la mère», trempe du pain dur dans son thé au lait en rentrant du travail, avant même d'avoir ôté son manteau. Elle trime de l'aube à la nuit, fait le ménage chez un riche rabbin très ashkénaze et sa femme, ou tartine des sandwichs par centaines dans un centre de loisirs. Lucette se querelle avec tout le monde : sa propre mère, les voisins, la police, le médecin, l'épicier. Lucette est une présence à la fois menaçante et rassurante, elle est angoissée par le feu, les serpents, les inondations, elle passe sa vie à repeindre la baraque, à déplacer les meubles, adopter des chiens et s'en débarrasser. Tout est fait dans une hâte angoissée et défait encore plus vite. Pendant ses interminables insomnies, Lucette lit en français, des polars, les Trois mousquetaires et la Dame aux camélias.

Ravissants coussins. Il y a aussi Corinne, la grande sœur, belle et dédaigneuse comme une princesse en exil, dotée d'une sûreté de goût dont on se demande d'où elle vient. Corinne qui retaille l'uniforme militaire de son frère et s'en f