Michaël Fœssel est philosophe, pas Nostradamus. Dans Après la fin du monde, son dernier livre (Seuil), il ne se livre à aucune prédiction hasardeuse mais démontre comment, face aux crises multiples, l'exigence de progrès a laissé place à l'angoisse et au catastrophisme. Ce spécialiste de philosophie politique, maître de conférences à l'université de Bourgogne, estime qu'il est préférable de repenser le progrès à partir des expériences politiques alternatives, mouvements coopératifs ou de contestation. Il est bien placé pour les étudier, lui qui partage sa vie entre Berlin et Paris.
Crise économique, sociale, écologique : vivons-nous une période extrêmement sensible aux discours catastrophistes ?
Le sentiment exacerbé de crise favorise la croyance dans une catastrophe définitive de type tellurique. Pour de nombreuses raisons, la catastrophe s’est substituée au paradigme du progrès : épuisement du modèle de croissance, sentiment révolutionnaire perdu, perception de plus en plus négative de la technique, dépolitisation… L’idée de catastrophe revient dans la modernité tardive de sociétés fatiguées d’elles-mêmes. C’est pourquoi la fin du monde est une perception très occidentale, symptomatique d’un certain psychisme européen : une impression d’avoir passé son tour dans l’histoire universelle, d’avoir essayé de transformer le monde mais d’avoir abouti à une catastrophe (URSS, nazisme). Au Mexique, où la croissance culmine à 4%, ce sentiment n’existe pas. Ces peurs catastrophistes sont particulièrement prégnantes depuis 1989 quand, à la suite de la chute du Mur, on pensait que le capital