Ceci n’est pas un livre, plutôt une longue note sèche, sans fioritures ni effets de style, truffée de graphiques et construite avec la froideur d’un raisonnement agencé comme une machinerie implacable. Si elle mérite le détour, c’est qu’elle dessine les traits de notre avenir tel que le voit une partie des élites politiques et économiques françaises ou européennes, qui garde le silence de peur d’effaroucher davantage les opinions publiques ou de provoquer un débat qu’elle ne maîtriserait plus.
Ces deux économistes-là, Patrick Artus et Isabelle Gravet, ne s'expriment pas comme Flaubert mais comme la direction du Trésor, quand toutes les portes de la citadelle de Bercy sont fermées à double tour. La grande histoire de l'euro ? Parlez plutôt d'«un aveuglement collectif», d'un naufrage conceptuel avéré, d'une série d'erreurs répétées avec un zèle effréné.
«Il aurait fallu comprendre dès le départ, écrivent les auteurs - qui n'ont jamais compté parmi les extrémistes - que l'unification monétaire était une machine à fabriquer de l'hétérogénéité économique et que les institutions n'ont absolument pas été construites pour la corriger ou l'accompagner.» Au lieu de rapprocher les Etats membres, l'euro a renforcé les différences structurelles - des asymétries -, celles qui viennent de longue histoire sociale et économique des Etats : les marchés du travail et du crédit, le tissu économique… Du coup, des déficits extérieurs et des dettes extérieures ont échappé