Une ville peut-elle infléchir les destinées ? Alice Kaplan conduit sa démonstration en se penchant sur l’itinéraire de trois Américaines d’exception, dont les séjours dans la capitale française transformèrent le rapport au corps, à l’esprit et… aux Etats-Unis, selon des modalités différentes.
Jacqueline Bouvier Kennedy profita du programme du Smith College pour parfaire à Paris sa connaissance de la langue et de la culture en 1949-1950. Son origine française, fièrement revendiquée, lui permit d’afficher à son retour sa différence face au milieu américano-irlandais du clan Kennedy, qui la considéra longtemps comme un étrange bout rapporté dont la sophistication les heurtait. Susan Sontagvécut dans la Ville-Lumière durant les années 1957 et 1958. Outre qu’elle y connut une forme de libération sexuelle, elle y découvrit aussi les charmes du Nouveau Roman, qu’elle contribua ensuite à introduire dans le Nouveau Monde. Tout en approfondissant sa culture littéraire et philosophique, Angela Davis amorça à Paris son engagement politique auquel ses origines, sans doute, la prédestinaient. L’attentat commis en 1963 contre une église baptiste noire de Birmingham, qu’elle apprit dans la capitale française et le racisme antimaghrébin qui sévissait à une époque où les braises de la guerre d’Algérie, tout juste achevée, brûlaient encore, confortèrent sa détermination.
Paris répondit ainsi aux attentes contrastées de l'esthète Jacqueline Kennedy, de la bobo Susan Sontag et de la militante Ange