Pim est «chevalier viandard», la bonne chair est son combat. Couteau à la ceinture telle une «épée moyenâgeuse», il est le fils spirituel du «boucher descendu de l'arche de Noé», le fier dépositaire de gestes ancestraux. Il a les mains faites pour arpenter la viande : «Il palpe, caresse, pétrit, suit le mouvement et la trajectoire des nervures, presse la pulpe de son doigt contre la pulpe de la viande, la bavette de l'aloyau et l'œillet sont des viandes longues, c'est facile. Le dessus des côtes, en revanche, donne des viandes serrées.» Pim devine le rumsteck à même la croupe du bétail. «S'il y avait des concours, Pim les gagnerait tous. Il gagnerait contre les bouchers aveugles.»
Avant que le végétarisme ne devienne à la mode, l'humanité carnivore soignait ses bleus avec des escalopes, les soûlards buvaient le sang au verre pour dissiper l'alcool, les danseuses plongeaient leurs chevilles foulées dans les entrailles d'un veau. A la manière d'une anthropologue (le roman est placé sous le patronage de Claude Lévi-Strauss, cité au frontispice), Joy Sorman remonte la piste de ces pratiques qui relèvent selon elle moins de la barbarie que d'une forme de communion : «La viande est pleine de vie et la vie se transmet», écrit-elle. Sur un thème proche de celui développé dans la nouvelle «Etre un castor», du recueil Gros œuvre, elle poursuit sa réflexion sur la proximité entre hommes et animaux.
Adepte de la technique de l